10.

La cour de Catherine de Médicis s’installa à Orléans au début du mois d’août. Son gouverneur, Charles de Balzac d’Entragues, ligueur proche des Lorrains, était l’un des survivants du duel des mignons qui, en 1578, avait opposé trois amis des Guise à trois partisans du roi. Il avait épousé Marie Touchet, l’ancienne maîtresse de Charles IX.

L’année précédente, le roi avait envoyé le duc de Montpensier avec une troupe de gendarmes pour reprendre la ville qui s’était déclarée pour la Ligue, mais Entragues l’avait repoussé en lui faisant tirer dessus. Depuis, par le traité de Nemours imposé au roi par Guise en juillet 1585, Orléans était devenu place de sûreté pour la Ligue.

La reine mère n’envisageait donc pas d’y rester longtemps, cette ville n’étant qu’une étape. En revanche, la duchesse de Montpensier, qui était arrivée bien avant le cortège royal, appréciait la cité ligueuse. Installée dans sa maison de la rue de la Recouvrance, elle avait rapidement été contactée par Maurevert.

Le tueur des rois avait pris logis à l’hostellerie de l’Escu de France et engagé deux hommes de main italiens qui se présentaient eux-mêmes comme des spadaccini. Ils avaient fui de Rome après avoir battu un cardinal, expliquèrent-ils à Maurevert, mais depuis qu’ils étaient en France, ils vivaient dans la misère et recherchaient un protecteur. L’un, grand et maigre, était maître escrimeur et se faisait appeler Maestro Jacopo, le second, petit et rondouillard, était son valet et se nommait simplement Giovanni.

Avant de les prendre à son service, Maurevert avait voulu mesurer leur habileté dans la scienza cavalleresca[56]. Après quelques assauts en salle d’armes, puis en champ clos en dehors de la ville, il avait été convaincu ; tous deux étaient d’une rare virtuosité. De surcroît, les deux spadassins savaient aussi bien manier le pistolet et le poignard que la rapière. Maurevert leur avait promis trois écus par semaine avec le gîte et le couvert. Sans maître et sans passeport, les Italiens, qui ne voyaient comme fin de leur misère que de devenir brigands de grand chemin, avaient accepté.

La cour de la reine mère était à Orléans depuis trois jours quand un gamin vint déposer un billet chez la duchesse de Montpensier. Maurevert souhaitait lui parler de toute urgence. Accompagné du capitaine Cabasset, elle se rendit masquée à l’Escu de France, car il était trop risqué que Maurevert vienne chez elle où un de ses gentilshommes aurait pu le reconnaître.

Dans l’hôtellerie, dont l’enseigne représentait un écu fleurdelisé tenu par deux anges, une servante les conduisit dans la chambre de Maurevert, puis leur porta à dîner. Après avoir été servi, Maurevert fit sortir la servante et s’expliqua.

— Madame, j’ai aperçu en ville un homme que votre frère m’avait demandé de faire disparaître, l’année dernière à Paris.

Il avait été convenu entre la duchesse et Maurevert que Cabasset, homme de confiance de Mayenne, serait mis dans la confidence du projet d’assassinat d’Henri de Navarre. Le capitaine, pourtant, n’avait pas été informé de l’identité réelle de celui qu’on appelait uniquement M. Le Vert.

— De qui s’agit-il ? s’inquiéta la duchesse.

En quelques mots, Maurevert lui raconta ce qui s’était passé au printemps 1585. Comment Mayenne était venu le chercher à Arcueil, lui demandant de faire disparaître un contrôleur des tailles pouvant causer du tort à la Ligue…

— La difficulté, madame, était que cet homme était protégé par un lieutenant du prévôt d’Île-de-France, un ligueur qui ne devait être ni blessé ni tué. De surcroît, ce contrôleur trop curieux avait un garde du corps…

— Quel était le nom de ce lieutenant du prévôt ? l’interrompit-elle, prise soudain d’un inquiétant pressentiment.

— M. Poulain, madame. Nicolas Poulain.

À ce nom, la duchesse frémit. L’homme choisit par son frère pour être prévôt de la Cour ! Qu’est-ce que cela signifiait ? Puis elle se rassura : M. de Mayneville lui avait assuré qu’il était aux Guise, elle pouvait lui faire confiance. D’ailleurs Maurevert venait de dire qu’il était ligueur…

— Continuez ! fit-elle.

— J’engageai quelques truands et je préparai l’attaque de la maison de M. Hauteville…

— Quel nom venez-vous de dire ? intervint-elle d’une voix si aiguë qu’il ne la reconnut pas.

— Hauteville, madame… Olivier Hauteville… C’est le nom de l’homme que votre frère voulait que je fasse disparaître…

La duchesse resta un instant abasourdie, pétrifiée.

— Où habite-t-il ?

— Rue Saint-Martin, madame, dans la paroisse Saint-Merri.

Ainsi, ce jeune homme que son frère avait voulu faire assassiner était celui qu’elle avait remarqué à l’église Saint-Merri ! C’était celui qui ne faisait pas attention à elle !

Peut-être s’était-elle trompée dans l’interprétation de son comportement, se dit-elle après un instant de réflexion. Peut-être l’avait-il remarquée, mais sachant que son frère avait tenté de le meurtrir, il ne souhaitait pas s’approcher d’elle…

— Poursuivez, murmura-t-elle en tentant de cacher son trouble.

— Votre frère m’avait donné le nom d’un bourgeois nommé Jehan Salvancy qui pouvait m’aider. Il était membre de la Ligue parisienne et je lui demandai de me fournir des cuirasses et des casques du guet bourgeois. Ainsi déguisés, nous sommes entrés par ruse chez Hauteville, mais malheureusement, il recevait des amis. Il y avait là son garde du corps, et ce Poulain dont je vous ai parlé, ainsi qu’un gentilhomme accompagné d’une femme. Nous nous sommes battus, mais ils étaient bien plus forts que mes truands et j’ai dû quitter les lieux, vaincu.

Comme la duchesse restait impassible, il poursuivit.

— J’ai ensuite loué une chambre en face de chez lui pour l’assassiner avec un mousquet. Mais n’y parvenant pas, je me suis finalement introduit chez lui en son absence. Mon dessein était d’attendre son retour et de le poignarder. Seulement il y avait des gens dans sa maison…

— Des domestiques ?

— Pas seulement, madame. Des gens qui m’ont reconnu… Un homme en particulier…

Il resta silencieux une seconde, comme pour insister sur ce qu’il allait dire, puis il lâcha :

— C’était M. de Mornay.

— Le pape des huguenots ? Le surintendant de la maison de Navarre ? Mais que faisait-il à Paris ? Et chez ce Hauteville ?

— Je l’ignore, madame. Il était avec le gentilhomme et la femme que j’avais déjà vus chez Hauteville. Cette femme se bat à l’épée comme un démon, madame, je n’avais jamais vu ça ! J’étais seul, ils étaient trop nombreux, ils m’ont tiré dessus et je me suis à nouveau enfui. Votre frère ne m’avait pas donné les raisons pour lesquelles je devais tuer Hauteville. Je décidais donc de demander des explications à ce bourgeois, le nommé Salvancy, car je voulais savoir comment Mornay était impliqué dans mon affaire. Je me présentai chez lui, mais sa maison était fermée, abandonnée. On m’apprit qu’il était en fuite, poursuivi par le lieutenant civil et que ses gardes du corps avaient été arrêtés. Ils furent d’ailleurs pendus et étranglés devant la Croix-du-Trahoir quelques jours plus tard pour avoir assassiné le père de M. Hauteville, ce que j’ignorais aussi.

» Je ne savais que faire, j’appris alors que votre frère Mayenne était à Dijon et je m’y rendis. Je parvins à lui faire passer une lettre puis à le rencontrer. Je lui racontai tout. Il fut très contrarié et me dit seulement qu’il n’y avait plus rien à faire. Je devais retourner à Arcueil attendre de nouvelles instructions. Depuis, j’attendais. Cette affaire a été un grave échec pour moi, et je brûle de me rattraper, et surtout de faire disparaître M. de Mornay qui sait que je suis toujours vivant.

Après un silence, il ajouta d’un ton de reproche :

— Si votre frère m’en avait dit plus, s’il m’avait fait confiance, j’aurais sans doute agi différemment. Mais même maintenant, je ne sais toujours pas ce qui s’est vraiment passé…

— Mon frère Charles ne m’a jamais rien dit sur cette affaire, fit-elle, songeuse, pas plus qu’Henri.

Elle resta un long moment à méditer avant de demander :

— Le plus invraisemblable reste la présence secrète à Paris de M. de Mornay. Il n’a pu venir que pour une affaire de la plus haute importance. Qui était cette fille avec lui ? Et comment connaissait-elle ce Hauteville ?

— Je sais seulement qu’elle s’appelait Cassandre, madame. Je pense qu’elle est de sa famille, peut-être sa fille…

— Était-elle la maîtresse de Hauteville ?

— Je l’ignore, madame, mais elle a vécu plusieurs jours chez lui.

La duchesse sentit le feu brûlant de la jalousie envahir son cœur. Elle ne put se retenir de serrer les poings.

Ainsi cet Olivier Hauteville sur qui elle avait daigné jeter un regard avait une maîtresse, et celle-ci était peut-être la fille de Mornay. Une hérétique ! D’ailleurs, lui-même était peut-être un huguenot… Non ! se raisonna-t-elle. Il allait tous les dimanches à Saint-Merri, donc il était bon catholique. Mais il n’empêche qu’il avait vécu avec une hérétique. Le savait-il ? Elle se jura qu’elle le sauverait de la damnation à laquelle il n’échapperait pas s’il envisageait de la revoir.

Elle manquait cruellement d’informations sur ce qui s’était passé. Son frère Mayenne en savait certainement beaucoup plus. Devait-elle lui écrire ? Lui envoyer Cabasset comme messager ? Mais ce serait se séparer d’un homme qui pourrait lui être utile, et puis, son frère lui répondrait-il ? Raconterait-il tout ce qu’il savait dans un courrier qui, même chiffré, pouvait tomber entre les mains de Navarre ?

— Savez-vous ce que fait M. Hauteville ici ?

— Non, mais je pourrai me renseigner, madame. Il était avec un domestique que j’ai déjà vu chez lui, rue Saint-Martin, et deux gardes suisses. Je pense qu’il est avec la cour de la reine.

— C’est bien possible… Savez-vous que monsieur Poulain est le prévôt de l’hôtel de la reine ?

— Non… Je l’ignorais… Mais cela expliquerait la présence de Hauteville, ces deux-là sont amis.

— C’est tout de même étonnant : M. Poulain est à la Ligue et M. Hauteville reçoit des hérétiques chez lui…

— Peut-être ne sont-ils pas vraiment des amis, suggéra Maurevert. Peut-être Hauteville espionne-t-il Poulain, ou l’inverse…

— Peut-être…

Si Hauteville était avec Poulain, il irait aussi à Chenonceaux, se dit-elle. Elle aurait alors l’occasion de le rencontrer, de lui parler, et de découvrir ce qu’elle ignorait. Elle jugea finalement qu’elle pouvait attendre avant d’écrire à son frère et de lui envoyer Cabasset.

— Évitez de vous faire voir de ces deux hommes, ce serait fâcheux qu’ils vous reconnaissent, prévint-elle Maurevert. Quand nous quitterons Orléans, vous suivrez le convoi à bonne distance. À Blois, je logerai au château ; vous pourrez me faire passer un billet.

À la fin de la première semaine d’août, la Cour partit pour Blois. Le déplacement devait durer cinq jours et tout le monde ne se retrouvait pas aux étapes, car certains logeaient dans les villages, d’autres dans des châteaux, d’autres encore dans des hôtelleries ou des monastères.

La duchesse fit le voyage en compagnie du duc de Nevers qu’elle jugeait le plus proche de son parti, et qu’elle appréciait, car tous deux partageaient la même haine envers le duc de Montpensier.

L’interminable convoi avançait fort lentement sur les chemins encombrés par des pèlerins à pied, des marchands en mule ou à dos d’âne, et surtout des détachements d’hommes d’armes. Au milieu de tout ce monde, Maurevert, son écuyer et les deux spadassins passaient inaperçus. D’ailleurs, ils suivaient le convoi royal de très loin. La duchesse aperçut plusieurs fois Hauteville, mais ne chercha pas à l’aborder. En revanche, Nicolas Poulain venait chaque jour courtoisement la saluer, se gardant bien sûr de lui rapporter ce que les gentilshommes de M. de Montpensier chantaient au sujet de ses valets et de ses gardes qui affichaient la croix de Lorraine des Guise sur leur livrée :

Dites-moi ce que signifie

Que les ligueurs ont double croix ?

C’est qu’en la Ligue on crucifie,

Jésus-Christ encore une fois !

Chaque jour, Poulain veillait à ce que les gens de M. de Montpensier logent assez loin de ceux de la duchesse. Sa plus grande crainte restait les duels ou une échauffourée entre les deux troupes.

Dans le château de Blois, la Cour fut logée dans des conditions de promiscuité propices au désordre et aux dérèglements. Les plus grandes salles avaient été cloisonnées pour recevoir gentilshommes et dames, et la domesticité s’entassait sous les toitures surchauffées. Les rares lits et paillasses étaient partagés à trois ou quatre et, avec la chaleur, la vermine grouillait. Chaque jour, ceux qui voulaient rester propres devaient passer beaucoup de temps à ôter leurs poux. Quant aux odeurs, elles étaient insupportables, même si les plus délicats s’aspergeaient de parfum tandis que les plus courageux allaient se laver dans la Loire.

En ville, les auberges étaient pleines et Nicolas Poulain avait bien du mal à imposer l’ordre et à éviter les débordements. Heureusement, il était aidé dans sa tâche par le capitaine des gardes de la reine et discrètement par M. de Bezon que tout le monde craignait.

Pour adoucir les caractères, Catherine de Médicis donna fêtes, ballets et comédies tous les jours. Les Gelosi avaient monté leur estrade dans la grande salle des États et durant le séjour la reine s’entretint à plusieurs reprises avec Isabella Andreini.

D’abord, elle reçut les Gelosi dans sa chambre de parade en présence de ses nains et des dames de son escadron volant. Elle organisa des jeux, des concours de poésie et des tournois de musique au luth et à la viole.

Les jours suivants, la reine ne fit venir qu’Isabella, en présence de sa petite-fille Christine de Lorraine et de ses favorites : Mme de Sauves, Isabeau de Limeuil et les deux jeunes dames d’honneur, Cassandre et Hélène. Au fil de leurs longues discussions, Catherine essayait de cerner le caractère de la comédienne et de la mettre en confiance. Elle parla de son gendre Henri, le roi de Navarre, et surtout de sa grand-mère Marguerite de Navarre qu’elle avait connue et aimée quand elle était arrivée à la cour de France. En effet, la poétesse auteur de l’Heptaméron était la sœur de François Ier qui avait décidé le mariage de Catherine de Médicis avec son fils cadet Henri.

La reine mère était adroite pour tendre ses filets. Quand elle fut certaine qu’Isabella l’aimait, elle la reçut seule et lui assura que Navarre serait séduit par les spectacles des Gelosi et qu’il voudrait sans doute la rencontrer, tant elle ressemblait à Marguerite de Navarre.

Elle ajouta en retenant quelques larmes que ce serait hors de sa présence car, pour son malheur, son gendre se méfiait d’elle. Toujours vêtue de noir, avec sa coiffe en dentelle, la reine apparut à Isabella comme une vieille femme très malheureuse. Quand elle lui dit qu’elle aurait souhaité qu’elle la remplace pour recevoir le roi de Navarre, Isabella fut si touchée qu’elle fondit en larmes. Pour la première fois depuis qu’elle avait quitté l’Italie, elle oublia le meurtre qu’elle avait commis et la mort de son amie Gabriella. Flattée de tant de confiance et d’affection, elle promit à la reine de faire tout ce qu’elle lui demanderait.

Catherine de Médicis eut aussi de longues entrevues avec Mme de Sauves et avec Isabeau de Limeuil. Avec la maîtresse du duc de Guise, elle n’eut pas à jouer la comédie. Charlotte de Sauves avait connu tous les hommes de la Cour et quand la reine lui proposa dix mille écus pour redevenir durant une nuit ou deux la maîtresse du roi de Navarre, elle accepta.

À Isabeau de Limeuil, la reine mère confirma qu’elle savait ce qu’était devenu son enfant. Mais pour connaître la vérité, elle devrait faire boire un philtre à Henri IV. Isabeau refusa.

— Ce philtre, Isabeau, je vous le remettrai la veille, vous n’aurez qu’à l’essayer sur un animal si vous pensez qu’il s’agit d’un poison. C’est le même que vous avez reçu pour séduire le prince de Condé, se justifia Catherine de Médicis.

— Mais dans quel but, madame ? Pour que je séduise Navarre ? Je suis trop vieille !

Catherine eut cette expression pitoyable qui lui attirait immanquablement la sympathie :

— J’ai offert ma fille préférée à Navarre, or ce mariage a été un échec, Isabeau. Comme il n’a pas été consommé, il pourra être annulé. Or, je suis persuadée qu’une union entre les Bourbons et les princes lorrains pourrait rétablir la concorde entre ces deux familles, et la paix dans le royaume. Si Navarre est à nouveau libre, quelle meilleure alliance pourrais-je souhaiter que celle d’Henri avec ma petite-fille Christine dont le père est parent des Guise ?

On le voit, en mélangeant vérité et mensonges, Catherine de Médicis utilisait tous ses talents en fourberie pour arriver à ses fins. Elle y parvint, car Isabeau de Limeuil parut cette fois touchée. Encouragée, la reine poursuivit :

— Seulement… vous connaissez Christine, ce n’est pas une beauté, c’est pourquoi j’ai songé au philtre que vous avez déjà fait boire au prince de Condé. Si vous parvenez à le faire avaler à Navarre alors qu’ils sont ensemble, il tombera sous son charme. Ruggieri m’a dit que cela ne durerait que quelques jours, ou même que quelques heures, mais si Christine lui témoigne suffisamment d’affection, il pourrait bien décider de rester avec elle… Et la paix revenir dans ce pauvre royaume.

Limeuil resta silencieuse, tandis que la reine essuyait une larme.

— Et je saurai où est mon enfant ? demanda Isabeau au bout d’un long moment.

— Je vous dirai tout ce que M. de Bezon a découvert.

— Je dois réfléchir, madame, décida Isabeau.

— Vous avez le sort du royaume entre vos mains, ma cousine, dit la reine, en lui faisant comprendre, d’un signe de la main, que l’entretien était terminé.

Catherine de Médicis savourait son triomphe. Au moins une des trois femmes ferait avaler ses potions à Navarre. En premier, elle lui ferait absorber le philtre de Ruggieri et, si elle n’obtenait pas le résultat escompté, elle utiliserait celui de Roger Bianchi.

En revanche, les négociations sur la rencontre traînaient. Elle décida donc de montrer sa force. À la fin d’août, et sur son ordre, le maréchal de Retz se saisit de la ville de Montagu tenue par les protestants pour que Navarre comprenne que la trêve pouvait être rompue à tout moment.

Pendant ce temps, la vie s’écoulait au château au milieu d’intrigues et de débauches sur lesquelles Nicolas Poulain préférait fermer les yeux. L’oisiveté engendrait le vice, le jeu et la discorde. La dissolution des mœurs et l’impudeur des dames faisaient le reste. Poulain n’intervenait que pour les désordres les plus graves, le blasphème même devait être toléré, lui avait-on fait comprendre, sauf durant les messes.

Pourtant, quand on se promenait dans les jardins derrière le château, ou le long des levées de la Loire, ces digues empierrées pour protéger la ville, ce n’était que raffinement et apparence sage et modeste. Ici, point d’homme habillé en femme comme on en voyait souvent au Louvre lors des bals, et point de décolletés indécents. Les femmes étaient pour la plupart en robe noire à haut collet brodée de perle ou tissée d’argent. C’est à l’occasion d’une de ces promenades qu’Olivier Hauteville rencontra la duchesse de Montpensier. À dire vrai, il ne put l’éviter. Il était lui-même avec Nicolas Poulain et Mme de Limeuil quand ils croisèrent le duc de Nevers avec la duchesse. Mais malgré les apparences, ce n’était pas une rencontre fortuite.

La duchesse était logée au château et cherchait depuis plusieurs jours à approcher Olivier. Elle s’était jointe au duc de Nevers et à ses gentilshommes quand elle avait découvert, en arrivant en coche sur la promenade le long du fleuve, qu’Olivier s’y trouvait déjà.

On était en fin d’après-midi et chacun recherchait la fraîcheur des allées de peupliers tant la chaleur était écrasante. Le duc de Nevers s’adressa fort aimablement à Isabeau de Limeuil, puis à Nicolas Poulain qu’il voyait chaque jour au château. Nicolas présenta son ami Olivier, avocat à la Chambre des comptes, qui s’occupait de l’achat des fournitures de la Cour. Pour ne pas être en reste, le duc nomma quelques-uns des gentilshommes et des dames qui l’accompagnaient.

Évidemment, il y avait une distance immense entre l’état de Poulain et celui du duc, mais le prévôt de l’hôtel, même roturier, était un homme très respecté, aussi une discussion amicale s’engagea durant laquelle la duchesse de Montpensier s’approcha d’Olivier pour lui dire qu’elle se souvenait l’avoir aperçu à l’église de Saint-Merri.

— En effet, madame, dit-il en souriant, c’était sans doute le jour où vous étiez venue écouter le curé Boucher.

Elle s’efforça de dissimuler son dépit, car, apparemment, il n’avait pas remarqué les autres fois où elle était venue.

Le petit groupe déambulait le long de la rivière dont le cours était fort bas. La duchesse de Montpensier demanda à Olivier et à Mme Sardini leur avis sur le dernier spectacle des Gelosi, ainsi que sur le pieux sermon entendu à la messe célébrée à Saint-Solene. Puis elle se plaignit de la chaleur accablante qui régnait dans les chambres du château. À cette occasion, elle demanda à Olivier où il logeait, car elle ne l’avait pas vu au palais. Isabeau répondit à sa place :

— J’ai proposé à M. Hauteville de l’héberger à l’hôtel Sardini. Nous ne sommes pas très nombreux, et il restait une chambre libre.

Impassible, la duchesse accusa le coup. Comment se pouvait-il que Mme Sardini, cousine de la reine, petite-fille du vicomte de Tonnerre, épouse d’un des plus riches financiers de Paris, ait proposé à ce roturier, petit avocat à la Chambre des comptes, de loger chez elle ? Était-elle sa maîtresse ?

De nouveau la jalousie lui brûla le cœur et Mme Sardini, pas plus qu’Hauteville, ne dirent mot pour la rassurer. Rapidement, Mme de Montpensier abrégea la promenade pour rentrer au château, ne sachant comment assembler tout ce qu’elle savait désormais sur Olivier Hauteville.

Alors qu’elle avait ainsi l’esprit en désordre, un fait la frappa. Pourquoi la reine avait-elle demandé à Mme Sardini de l’accompagner ? Certes, Isabeau de Limeuil avait fait partie de l’escadron volant, vingt ans plus tôt, certes elle avait été la maîtresse du père de l’actuel prince de Condé, mais elle était désormais une femme fanée et sans attraits. Pourquoi devait-elle être présente pour la venue d’Henri de Navarre ?

Ce que la duchesse ne pouvait savoir, c’est que Mme Sardini connaissait bien Olivier.

La première fois qu’ils s’étaient rencontrés, c’était dans la maison du banquier. Olivier était venu annoncer à Cassandre qu’il avait envoyé M. de Cubsac demander de l’aide au marquis d’O, à Caen. Isabeau de Limeuil, informée de toute l’opération contre le receveur Salvancy, avait assisté à l’entretien.

De retour à Montauban, Cassandre avait écrit à Mme Sardini. Malgré la guerre, sa lettre était arrivée à l’hôtel du banquier, au chemin du Fer-à-Moulin. Elle était accompagnée d’un paquet.

Dans son courrier, Cassandre remerciait Mme Sardini pour ses bontés lors de sa venue et la suppliait de faire parvenir le paquet à M. Olivier Hauteville, rue Saint-Martin. Intriguée et curieuse, Isabeau de Limeuil l’avait porté elle-même, escortée par les Suisses Hans et Rudolf.

Olivier l’avait reçue dans un mélange d’inquiétude et de méfiance. Cela faisait cinq mois que M. de Mornay et sa fille lui avaient volé les quittances que lui-même avait pris au receveur félon. Depuis, il avait appris que les quittances avaient été payées par la banque Sardini, et comme il savait que Mme Sardini avait toujours été informée de l’entreprise, il se doutait bien qu’elle était complice de M. de Mornay.

Isabeau de Limeuil, en robe de drap noir doublée de bougran noir et bordée d’un bourrelet de velours aux épaules, lui avait expliqué d’une voix neutre que Cassandre de Mornay lui avait demandé de lui apporter ce paquet. Il l’avait pris, hésitant à l’ouvrir devant elle, mais comme elle ne faisait pas mine de se retirer, il avait brisé le sceau et détaché les cordons.

Le paquet contenait une lettre et deux petits livres. Le premier, il l’avait reconnu : c’était le nouveau testament traduit par M. de Bèze qu’il avait trouvé dans son lit, quand elle habitait chez lui. Le second était les Essais de Michel de Montaigne, avec un mot amical de M. de Mornay.

Hésitant, il avait montré à Isabeau le livre de M. de Bèze.

— Mademoiselle de Mornay est une hérétique ! avait-elle dit dans un sourire.

— Je le sais, madame. Et je vous remercie de m’avoir porté ce paquet.

Évidemment, il ne lui avait pas fait lire le contenu de la lettre, sinon l’histoire que nous racontons aurait connu son épilogue à cet instant.

Olivier n’avait plus revu Mme Sardini jusqu’au jour du départ de la Cour, quand les véhicules s’étaient rangés le long de la Seine. Son chariot était placé juste avant la litière de la femme du banquier. Naturellement, il était donc allé la saluer.

Par la suite, ils avaient fait le voyage ensemble. Il n’y avait aucune attirance physique entre eux et, au début, ils avaient surtout parlé de Cassandre. Les deux Suisses se mêlant parfois à leur conversation, car ils étaient restés longtemps avec la fille de Mornay, lorsqu’ils avaient fait route ensemble de Figeac à Paris.

Au fil des rencontres, Olivier avait parlé de son père assassiné par la Ligue. Il s’était vite aperçu que Mme Sardini savait tout de l’entreprise de fraude sur les tailles à laquelle il avait mis fin. Ils n’avaient pourtant jamais abordé ouvertement leurs rôles respectifs, mais une certaine complicité, pleine de sous-entendus, les avait rapprochés.

À Blois, comme Olivier et ses domestiques ne disposaient que d’une paillasse pour trois sous les combles du château, c’est tout naturellement qu’elle leur avait proposé de loger dans une chambre vide de son hôtel de la rue du Puy-Châtel. Une belle demeure de pierre avec un jardin appelée la maison au porc-épic à cause de l’emblème de Louis XII gravé sur le porche.

Nicolas Poulain, invité à dîner, s’était déclaré envieux des conditions de logement de son ami. Lui-même n’ayant, dans le château, qu’un minuscule cabinet surchauffé et obscur.

Après la prise de Montagu, la reine reçut un nouveau négociateur du roi de Navarre et on commença à murmurer que la Cour partait pour Chenonceaux.

Tout au long du voyage, Lorenzino Venetianelli avait laissé traîner ses oreilles, séduit quelques filles de cuisine et femmes de chambre, et même livré quelques assauts à l’épée mouchetée avec des gentilshommes – il jurait avoir été maître d’armes en Italie – dans le but de s’en faire des amis. Malgré ses efforts, il n’avait rien appris des intentions de Catherine de Médicis.

Aussi, à Blois, dès qu’il avait su où habitait Mme Sardini, il s’était rendu rue du Puy-Châtel pour examiner l’hôtel du banquier et les maisons environnantes. Il avait aussi observé combien Mme Sardini était proche de la reine qui lui demandait souvent de rester auprès d’elle. Catherine de Médicis agissait d’ailleurs de même avec Isabella Andreani, ce qui intriguait beaucoup le comédien qui aurait aimé être une mouche afin d’assister à leurs entretiens. Il avait bien tenté de séduire les deux jeunes dames d’honneur, Hélène et Cassandre, qui restaient toujours près de la reine, mais il avait découvert qu’elles n’aimaient pas les hommes.

Il se demandait si Mme Sardini obéirait à l’ordre du roi. Que se passerait-il si elle en parlait à la reine ? Celle-ci pourrait bien s’opposer à l’injonction de son fils.

Un matin, Flavio lui annonça leur départ prochain pour Chenonceaux. Le lendemain, Venetianelli fit porter à Mme Sardini la lettre du roi par le valet d’une auberge proche. Il avait décidé que si la veille du départ de la Cour, Mme Sardini ne partait pas pour Paris, ce serait à lui d’agir, de l’écarter, comme le lui avait ordonné Richelieu, car il n’aurait pas trop d’une journée pour y parvenir.

Mme Sardini étant toujours escortée par deux Suisses, il ne pouvait l’approcher pour lui donner un coup de dague ou un coup de pistolet. Le moyen le plus simple était donc de lui tirer dessus avec un mousquet. Même s’il ne la tuait pas, la blessure l’empêcherait de quitter Blois.

Mais une telle entreprise soulevait quantité de difficultés. En premier lieu, il n’avait pas de mousquet. Il trouva un armurier non loin des cordeliers à qui il expliqua qu’il partait en voyage et qu’il désirait s’armer. La vente des armes à feu était surveillée par le lieutenant civil mais, pour soixante écus, l’armurier accepta de lui vendre discrètement un mousquet et de la poudre. Venetianelli promit de revenir le lendemain et l’armurier lui assura qu’il pourrait essayer l’arme dans le verger derrière son échoppe. Le comédien avait déjà tiré avec toutes sortes d’arquebuses, mais il manquait d’entraînement. Cette proposition le rassura.

Il restait encore à décider d’où tirer. Durant le voyage jusqu’à Chenonceaux, ce serait impossible. Le mousquet avait une portée d’une centaine de pas et il n’aurait jamais la possibilité de se dissimuler en chemin. Qui plus est, Mme Sardini serait en général à l’intérieur de son coche, sans doute invisible derrière des rideaux de cuir. Il en vint à la conclusion qu’elle ne serait vulnérable qu’en sortant de chez elle pour monter dans sa voiture. Mais d’où tirer dans cette étroite rue du Puy-Châtel ?

Il la parcourut plusieurs fois. À moins de cent pas, il n’avait guère de choix. Il y avait en face de l’hôtel Sardini, et un peu en amont et en retrait des autres maisons, un escalier en colombage à claire-voie conduisant à trois étages de galeries desservant des chambres et des logis. S’il tirait de cette hauteur, il ne serait pas gêné, même si le coche se trouvait devant le porche de l’hôtel.

Il explora les galeries. À leurs extrémités, elles communiquaient par des échelles jusqu’à un sombre passage qui longeait une cour avant de déboucher sur un petit jardin. De là, en se glissant entre deux maisons, on arrivait en bas des marches conduisant à la rue des Papegaux. Il lui serait donc facile de fuir. Restait à trouver un endroit pour tirer. Il rechercha d’abord un logement vide, mais il n’y en avait pas. En revanche, en haut de l’escalier à claire-voie, il était possible, en passant sur la rambarde, d’atteindre le toit de la maison mitoyenne qui se trouvait un peu plus bas. Là, il pourrait se placer contre une cheminée où il serait à l’abri du vent. C’était chose facile pour un homme tel que lui, capable de toutes sortes de contorsions. Il découvrit même, contre la cheminée, un corbeau de pierre qui lui permettrait d’appuyer le mousquet.

À l’heure du départ, il ferait nuit – il espérerait au moins qu’il ne pleuvrait pas – mais la cour de Mme Sardini serait certainement illuminée par des flambeaux.

Par malchance, Olivier Hauteville l’avait aperçu, tandis qu’il rêvait à Cassandre, devant la fenêtre de sa chambre dans l’hôtel Sardini. La première fois, Olivier avait vu passer le comédien qui paraissait examiner les maisons de la rue, comme s’il cherchait une adresse. Il n’y avait pas prêté attention. En revanche, la seconde fois, c’était le lendemain matin, il l’avait aperçu quand il grimpait l’escalier à claire-voie. Olivier s’était dit alors que Scaramouche avait trouvé une bonne fortune !

Ce même jour, Mme Sardini avait reçu la lettre du roi mais elle n’en prit connaissance que le soir, en rentrant du château :

Madame Sardini, dame de Limeuil,

Pour ce que j’ai en grande estime votre fidélité et zélée dévotion à mon service, je vous ordonne et enjoins bien expressément que sans délai ni excuse reveniez au plus tôt en mon château du Louvre. Vous ferez chose qui me sera très agréable, et le contraire me déplairait grandement.

Priant Dieu, madame, qu’il vous ait en Sa sainte garde.

En lisant le pli, elle resta stupéfaite. Que signifiait cet ordre ? Que lui voulait le roi ? Le cœur battant, elle relut plusieurs fois la missive avant de demander à ses laquais comment elle était arrivée, mais ils ne se souvenaient pas du porteur, sans doute un quelconque valet. Alors elle s’interrogea : devait-elle montrer cet ordre à la reine ? Et surtout, devait-elle se soumettre ?

Elle choisit vite de ne pas obéir. La reine savait où était son enfant, un enfant qu’elle avait cherché vingt ans. Elle ne pouvait partir maintenant. Elle décida que si le roi lui reprochait son indiscipline, elle affirmerait ne jamais avoir reçu de lettre. Après tout, celle-ci avait été portée par un inconnu, et non par un notaire, un magistrat ou un exempt.

Malgré tout, elle ne dormit guère, cette nuit-là.

Le lendemain devait être la veille du départ. Le château était devenu une ruche bourdonnante. Des centaines de domestiques préparaient les malles, démontaient les meubles et les tentures, transportaient caisses et coffres sur les charrettes et les chariots qui attendaient un peu partout dans la cour. Aucun divertissement, aucun ballet, aucune comédie n’était prévu.

Après la messe, Mme Sardini rendit visite à la reine et resta au château quelques heures. Rentrée chez elle, elle vérifia que son intendant avait tout préparé pour son départ. Elle n’emporterait à Chenonceaux que des matelas, du linge et des vêtements. Nicolas Poulain l’avait avisée qu’elle serait logée au château où la reine avait déjà fait porter des meubles et des lits, mais qu’elle serait particulièrement à l’étroit au deuxième étage.

Le soir, elle soupa avec Olivier, Nicolas, Hans et Rudolf, ainsi que son médecin, un homme taciturne d’une cinquantaine d’années. Ils n’échangèrent que des banalités et Isabeau resta absente de la conversation. Que lui voulait le roi ? se demandait-elle inlassablement.

Le départ était prévu à la pique du jour, aussi se fit-elle habiller à la lueur des flambeaux et des lanternes. Les domestiques étaient levés depuis deux heures déjà pour préparer le coche et atteler les animaux. Elle avala une soupe dans la cuisine et mangea quelques fruits confits. Olivier était déjà parti avec son équipage, car Nicolas Poulain voulait qu’il soit en tête du convoi.

Ayant donné quelques derniers ordres au concierge qui restait dans la maison, elle sortit. Le premier chariot de fournitures était dans la rue, sa litière attendait derrière. Plusieurs flambeaux étaient allumés. Elle se dirigeait vers la voiture quand un coup de feu retentit.

Mme Sardini s’écroula, couverte de sang.

La guerre des amoureuses
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